Voici une poésie que je dédie à tout les hardcore gamers, allez savoir pourquoi.
Virus, Neil Gaiman
Il était un jeu vidéo. On me l'avait donné,
un ami me l'avait donné, il y jouait,
il m'a dit : c'est super, tu devrais y jouer.
J'y ai joué : c'était vrai.
Je l'ai copié à partir de la disquette qu'il m'avait donnée,
pour tout le monde. Je voulais que chacun puisse y jouer.
Tous devaient connaître ce plaisir.
Je l'ai téléchargé sur des sites mais surtout je l'ai passé à tous mes amis.
(Par contact personnel. Comme je l'avais eu.)
Mes amis étaient comme moi : certains avaient peur des virus,
on vous donne une disquette, et une semaine après, ou un vendredi 13,
elle reformate votre disque dur, corrompt votre mémoire.
Mais pas celui-ci. Il était complètement inoffensif.
Même mes amis qui n'aimaient pas les ordinateurs s'y sont mis :
Plus on devient fort, plus le jeu est dur;
On ne gagne jamais, mais on devient très fort.
Je suis très fort.
Bien sûr, je passe beaucoup de temps à y jouer.
Mes amis aussi. Et leurs amis.
Et même les gens dans la rue, on les voit,
longeant à pied de vieilles autoroutes
ou faisant la file loin de l'ordinateur,
ou des arcades rapidement surgies,
ils y jouent dans leur tête en attendant,
combinant des formes,
étudiant des contours, posant des couleurs côte à côte,
déviant des signaux vers d'autres zones de l'écran,
écoutant la musique.
C'est sûr, les gens y pensent, mais surtout ils y jouent.
Mon record est de dix-huit heures d'affilée.
Quarante mille douze points et trois fanfares.
On joue malgré les larmes, les crampes au poignet, la faim;
au bout d'un moment
tout cela disparaît
Tout cela sauf le jeu, devrais-je dire.
Je n'ai plus de place dans ma tête ; plus de place pour autre chose.
Nous avons copié le jeu, pour le donner à des amis.
Il transcende le langage, occupe notre temps ;
parfois, je crois, j'oublie des choses, désormais.
Je me demande ce qu'est devenu la télé, cela existait avant.
Je me demande ce qui arrivera quand je n'aurai plus de conserves.
Je me demande où sont passés les gens. Et je découvre comment,
en étant assez vif, je peux placer un carré noir près d'une ligne rouge,
les inverser, les faire pivoter pour qu'ils disparaissent dégageant le bloc de gauche
pour que monte une bulle blanche...
(Pour qu'ils disparaissent.)
Quand le courant disparaîtra pour de bon, alors
j'y jouerai dans ma tête jusqu'à ma mort.
--- Fin ---
Notez qu'il s'agit de la belle époque des disquettes où l'on pouvait ENCORE se prêter les jeux !